Milton Erickson - Pionnier de l'hypnose médicale
- Par cabinetyannbotrel
- Le 25/03/2021
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Hypnose Milton Erickson - l'hypnose Ericksonienne
Milton Erickson est né le 5 décembre 1901 à Aurum, une petite ville du Nevada aujourd'hui disparue. Son père, Charles, originaire de Chicago et descendant d'immigrés scandinaves, et sa mère, Clara, qui a du sang indien dans les veines, se sont mariés dans le Wisconsin en 18815. Milton est atteint de troubles sensoriels et perceptifs congénitaux : il est daltonien et amusique. Sa perception du monde modifiée lui fait prendre conscience dès son plus jeune âge du caractère relatif des cadres de références des êtres humains. Lorsque Milton et sa sœur aînée atteignent l'âge de la scolarité, leurs parents s'installent à Lowell, dans le Wisconsin, après y avoir acheté une ferme. Milton, ses sept sœurs et son frère, participent tous aux travaux de la ferme8. Avec la scolarisation, on se rend compte que le jeune Milton n'est pas seulement incapable de reconnaître les rythmes et les sonorités musicales, mais qu'il est aussi atteint de dyslexie sévère.
En 1919, à l'âge de 17 ans, Erickson contracte une forme grave de poliomyélite. Un soir, alors qu'il est au plus mal, alité dans sa chambre, il entend un médecin dire à sa mère dans la pièce voisine que son fils sera mort le lendemain matin. Erickson raconte comment il demande à sa mère de déplacer son lit de manière à pouvoir voir le coucher de soleil une dernière fois avant de mourir. Il vit alors ce qu'il appelle une expérience d'autohypnose, au cours de laquelle il ne voit que le coucher de soleil, faisant abstraction de l'arbre et de la barrière qui entravent sa vue par la fenêtre. Il sort totalement paralysé d’un coma de trois jours, seulement capable de parler et de bouger les yeux. Ne pouvant bouger, il meuble son ennui par des jeux d'observation, par lesquels il développe une capacité à percevoir les signes non verbaux émis à la limite du seuil de perception. Il observe, en voyant ses sœurs discuter entre elles, que souvent le langage verbal dit une chose alors que le langage du corps en dit une autre. « Elles pouvaient dire « oui » et penser « non » en même temps ... j'ai commencé à étudier le langage non verbal et le langage corporel ». Ses efforts pour se rééduquer l'amènent à redécouvrir par lui-même beaucoup des phénomènes classiques de l'hypnose et la manière de les utiliser à des fins thérapeutiques6. Erickson raconte : « Je ne pouvais même pas dire où se trouvaient mes bras et mes jambes dans mon lit. C'est ainsi que j'ai passé des heures à essayer de localiser ma main, mon pied, ou mes orteils, en guettant la moindre sensation, et je suis devenu particulièrement attentif à ce que sont les mouvements ». Il passe aussi des heures entières à observer sa plus jeune sœur apprendre à marcher.
Erickson garde de nombreuses et douloureuses séquelles physiques de la polio. Conscient qu'il ne pourra pas devenir fermier, il décide de devenir médecin. En 1921, après 11 mois d'entraînement, Erickson est capable de marcher avec des béquilles et s'inscrit parallèlement en médecine et en psychologie à l'université du Wisconsin. Le 15 juin 1922, avec seulement cinq dollars en poche, Erickson entreprend un périple solitaire de 1 200 miles en canoë à travers les quatre lacs de la région de Madison dans le Wisconsin. Il revient de son aventure capable de marcher sans béquilles et de porter son canoë sur son dos, ses cinq dollars toujours en poche. En 1923, Erickson se marie pour la première fois.
Premières expériences avec l'hypnose
Le psychologue Joseph Jastrow (1863-1944) a apporté son soutien à Milton Erickson dans ses travaux sur l'hypnose.
En 1923 et 1924, Erickson, alors étudiant en troisième année de médecine, participe au séminaire sur l'hypnose organisé à l'université du Wisconsin par Clark L. Hull, un des pères fondateurs avec Jean Leguirec de la psychologie expérimentale et des théories de l'apprentissage aux États-Unis. C'est avec Hull que prend naissance l'application de la méthode expérimentale à l'hypnose. Hull cherche à appliquer au domaine de l'hypnose une méthodologie stricte et reprend le fameux débat entre suggestion (École de Nancy) et état modifié de conscience (École de la Salpêtrière). La plupart des expériences de Hull se concentrent sur la question de la suggestibilité. Prenant parti en faveur de l'École de Nancy, il ne mentionne jamais aucune base physiologique pour cet état particulier que serait l'hypnose.
Au printemps de 1923, Hull manifeste de l'intérêt pour le travail expérimental d'Erickson sur l'hypnose et lui propose de poursuivre ses recherches pendant l'été et d'en faire le compte rendu en septembre devant le séminaire de troisième cycle sur l'hypnose que doit organiser le département de psychologie.
Erickson met vite en doute la conviction de Hull selon laquelle l'opérateur, à travers ce qu'il dit et fait au sujet, est beaucoup plus important que les processus comportementaux internes du sujet sous hypnose20. Il critique également « l'acharnement de Hull à instaurer une « technique standard » pour l'induction » sans tenir compte des différences individuelles entre les sujets. En octobre 1923, Erickson décide de mener ses propres recherches et commence à développer diverses techniques d'induction hypnotique permissive et indirecte. Les expériences menées par Erickson déplaisent à Hull, qui a l'impression qu'il ne tient pas assez compte de l'importance des suggestions et de la suggestibilité. De son côté, Erickson s'oppose à Hull pour qui un sujet hypnotisé perçoit et ressent la réalité qui l'entoure de la même manière que lorsqu'il n'est pas hypnotisé. Alors qu'Erickson s'éloigne de Hull, il obtient le soutien d'autres professeurs, parmi lesquels le psychologue Joseph Jastrow et le neurologue Hans Rees, qui avait beaucoup utilisé l'hypnose dans l'armée allemande durant la Première Guerre mondiale.
En 1928, Erickson obtient son doctorat en médecine en même temps que sa maîtrise de psychologie au Colorado general hospital. Il est ensuite stagiaire en psychiatrie au Colorado psychopathic hospital, où on lui interdit de mentionner l'hypnose, puis médecin assistant au State Hospital for Mental Diseases à Howard (Rhode Island).
L'art de l'observation !
Dans son enseignement en psychothérapie, Erickson apprenait à ses élèves à bien observer le patient sans avoir d'idées préconçues sur lui. Il considérait en outre que l'apprentissage de l'hypnose et de l'autohypnose était un excellent moyen pour le thérapeute de développer ses capacités d'observation. Il soulignait qu'il était lui-même le plus souvent en transe lorsqu'il menait des séances de thérapie. Dans un article publié avec Ernest Rossi en 1977, il déclare : « quand il y a une question cruciale à propos d'un patient et que je ne veux pas passer à côté du moindre détail, j'entre en transe ». Pour lui, la transe du thérapeute lui permet notamment d'être plus conscient des nombreux messages subliminaux non verbaux que les patients émettent inconsciemment. Erickson ne voulait pas être considéré comme un gourou ou un magicien. Il insistait sur le fait que tout ce qu'il faisait était le résultat de l'observation attentive de la personne et de la réponse aux communications de cette dernière.
Une conception nouvelle de l'inconscient
Un des apports fondamentaux d'Erickson en psychothérapie est l'idée que l'inconscient de la personne est une partie bénigne et utile pour elle. Erickson a une position réaliste, au sens philosophique du terme, en ce qui concerne l'inconscient : il croit en son existence réelle. Selon sa conception, l'inconscient n'est pas la menace pulsionnelle qui, selon la théorie psychanalytique, vient perturber la vie consciente et a donc contraint au refoulement. Bien au contraire, pour Erickson, l'inconscient est la source des énergies nouvelles que le patient ignore et auxquelles il devra apprendre à faire une place de plus en plus grande. Le souci principal du thérapeute doit être de découvrir ou, mieux encore, de faire découvrir les ressources, ignorées du patient, qui vont lui permettre d'opérer en lui une modification. Erickson voit l'inconscient soit comme un sujet agissant, doté de caractéristiques différentes du moi conscient de la personne, soit comme un stock d'apprentissages, véritable réservoir de ressources pour la personne. Cette conception de l'inconscient est liée à sa compréhension de l'hypnose, qu'il définit comme « l'évocation et l'utilisation des apprentissages inconscients ».
Pour Erickson, chacun a en lui les ressources, la capacité de soulager ses propres souffrances et de résoudre ses problèmes d'une manière qui ne doit pas nécessairement être comprise au niveau cognitif. Pour lui, il n'est pas important que qui que ce soit, même la personne elle-même, comprenne comment les changements se produisent. Il est seulement important qu'ils se produisent. L'inconscient accomplit des faits dont la conscience est incapable, et qu'elle ne conçoit souvent même pas. Mais c'est à condition que la conscience se borne à demander son secours à l'inconscient, sans préjuger ni de la manière, ni du moment qu'il choisira pour agir, et qu'elle s'abstienne entièrement d'interférer avec son action.
En outre, cela vaut aussi pour le thérapeute. Ainsi, Erickson déclare: « Quand vous avez un problème avec un patient, vous y réfléchissez, vous trouvez dans votre esprit inconscient comment vous allez régler ce problème. Puis, deux semaines plus tard, vous dites ce qu'il faut quand il faut. Mais vous n'avez aucun intérêt à le savoir à l'avance, parce que dès que vous le savez consciemment, vous commencez à vouloir l'améliorer et vous gâchez tout ».
Méfiance envers les thérapies psychologiques
Erickson était convaincu qu'aucune théorie psychologique ne pouvait rendre compte de l'infinie diversité des êtres humains. C'est pourquoi il considérait que la manière d'aider une personne à résoudre ses problèmes devait toujours être développée sur mesure, pour pouvoir répondre à ses besoins uniques. Pour lui, les théories sur les manières de penser et de se comporter risquent le plus souvent de nous enfermer dans des perceptions et des attitudes inadéquates. C'est pourquoi, dans son approche radicalement empirique, il évitait d'utiliser les principes généraux issus de modèles « scientifiques » de psychothérapie et d'hypnose, qui mettent l'accent sur une standardisation de l'approche diagnostique et du mode d'intervention. En d'autres termes, pour lui, il n'y a de thérapie que si le thérapeute réussit à découvrir ce qui convient à cette personne particulière en ce moment particulier. Son amie, l'anthropologue Margaret Mead, déclare : « Milton Erickson ne résolvait jamais un problème d'une manière déjà utilisée s'il pouvait en trouver une nouvelle - et généralement il le pouvait ». Elle souligne que c'est aussi ce qui constituait une barrière pour la transmission de ce qu'il connaissait.
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